Économie et Gestion des Établissements Sanitaires et Sociaux

LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCE

Modérateur: Rédacteur BiblioEGESS

LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCE

Messagepar GF35 » 05 Avr 2007, 18:42

En cette période de campagne présidentielle, les points de vue des partis politiques divergent. Voici un aperçu d'une table ronde organisée par " Les Echos "

Entre Rhône-Alpes et Auvergne, deux élus de départements limitrophes, le socialiste Pascal Terrasse (Ardèche) et l'UMP Laurent Wauquiez (Haute-Loire) débattent sur ce thème avec quatre acteurs de ces territoires ruraux. Au-delà des problèmes financiers, l'accès aux soins focalise les esprits.

Deux politiques...
Pascal Terrasse, quarante-deux ans, est secrétaire national du PS à la Santé. Député et président du Conseil général de l'Ardèche, il est directeur de maison de retraite de profession. Il a notamment été, en 2001, le rapporteur à l'Assemblée nationale du projet de loi créant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).Laurent Wauquiez, trente et un ans, est député (UMP) de Haute-Loire depuis 2004. Benjamin de l'Assemblée, il a participé au groupe de travail sur la lutte contre la pauvreté présidé par Martin Hirsch, en 2005, puis a été le rapporteur de la loi sur le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.
... face à quatre acteurs de la société civile
Daniel Boguet, soixante et un an (" l'âge de la Sécu ", rappelle-t-il), est président (UPA) du conseil de la Caisse primaire d'assurance- maladie de Privas, vice-président de la CRAM Rhône-Alpes et administrateur de la CNAM.Yves Vérollet, cinquante-quatre ans, ancien secrétaire de la CFDT Isère, est secrétaire confédéral de la CFDT. Membre du Conseil économique et social, il siège également au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie.Claude Leicher, cinquante-trois ans, généraliste à Etoile-sur- Rhône (Drôme), est vice-président du syndicat de médecins libéraux MG France, arrivé en tête des dernières élections professionnelles pour le collège des généralistes.Jean-Luc Montagne, quarante ans, est délégué de l'Association nationale des hôpitaux locaux pour l'Ardèche et directeur des hôpitaux locaux de Bourg-Saint- Andéol et Viviers.

À PRIVAS, UN DÉBAT ANIMÉ PAR ÉTIENNE LEFEBVRE

Le financement de la protection sociale est peu abordé dans la campagne électorale. Que préconisez-vous pour faire face à des dépenses croissantes sans peser sur l'emploi ?

PASCAL TERRASSE. Cette thématique sera un élément essentiel de l'après-élection, car une opération vérité sera nécessaire. En raison du dérapage des dépenses de santé, le comité d'alerte va exiger des mesures de redressement avant le 1er juin. Il faudra en outre trouver 10 milliards d'euros pour équilibrer les comptes de la Sécurité sociale dès 2008, car, si nous gagnons, il n'est pas question de faire comme la droite, qui a accumulé 50 milliards de dettes en cinq ans. On pourrait, ce serait la facilité, ajouter 1 point de CSG, mais ce n'est pas notre choix. Il appartiendra aux partenaires sociaux de nous dire, d'ici à septembre, quels sont les meilleurs moyens pour dégager ces 10 milliards d'euros. S'ils ne s'entendent pas, nous prendrons nos responsabilités. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter les prélèvements, mais aussi et surtout d'encourager la création d'emplois et la hausse des salaires, ce qui dopera les recettes.

LAURENT WAUQUIEZ. En ayant eu le courage de faire des réformes structurelles, nous avons ramené le déficit de l'assurance-maladie à moins de 4 milliards d'euros en 2007. Il est donc possible de financer des dépenses qui vont s'accroître sans taxation supplémentaire. Je suis d'accord pour que l'on s'interdise de vivre à crédit. Il y a trois voies. D'abord, la lutte contre les fraudes et les abus, car il n'y a aucune raison pour que la France consomme 40 % de plus de médicaments que l'Allemagne. En Haute-Loire, l'assurance-maladie a fait chuter de 40 % les arrêts de travail en quatre ans, et nous avons économisé plusieurs millions d'euros en mutualisant les achats et la gestion des médicaments des maisons de retraite. Il faut ensuite multiplier par trois les dépenses de prévention. Enfin, nous souhaitons instaurer des franchises sur les soins (analyses, consultations, etc.) pour mettre fin au sentiment de quasi-gratuité.

PASCAL TERRASSE. A combien fixez-vous ces franchises ?

LAURENT WAUQUIEZ. A quelques euros par an. Les chômeurs, les enfants, les personnes au minimum-vieillesse pourraient en être exemptés. La Suisse ou la Suède l'ont fait. Avec les marges dégagées, on pourra mieux prendre en charge l'optique et le dentaire. Et chaque année, en fonction des résultats de l'assurance-maladie, on augmentera ou on baissera la franchise.

CLAUDE LEICHER. Le forfait de 1 euro n'a pas diminué le nombre de consultations...

YVES VÉROLLET. Et je ne vois pas comment vous pouvez, dans le même temps, baisser de 4 points les prélèvements obligatoires tout en estimant que les dépenses de santé vont fortement augmenter. A moins de tailler dans les prestations...

LAURENT WAUQUIEZ. La baisse de 4 points, c'est un objectif à dix ans. Et on peut augmenter de 3,5 milliards d'euros la prise en charge de la dépendance par des redéploiements de budgets aujourd'hui éparpillés : Etat, assurance-maladie, collectivités locales...

PASCAL TERRASSE. Il faut arrêter de considérer tout le temps le secteur de la santé comme coûteux. On est à un peu plus de 10 % du PIB. Les Etats-Unis sont à 15 %. C'est un vecteur économique de développement très important. Nous devons investir beaucoup plus dans la recherche.

DANIEL BOGUET. Je suis d'accord, mais il n'est plus possible d'ajouter des taxes. Les entreprises de main-d'oeuvre croulent sous les cotisations. Il y a une solution pour restaurer la compétitivité, c'est la TVA sociale. L'UPA (Union professionnelle artisanale) y est assez favorable.

PASCAL TERRASSE. La Capeb (artisans du bâtiment) est-elle favorable à une hausse de la TVA ? Nous, nous y sommes opposés. Alain Juppé a augmenté la TVA de 2 points en 1995 et nous sommes en partie revenus dessus en 1997. Il y a des risques pour la croissance et la TVA sociale n'est pas très sociale. Mais nous en convenons : il ne faut pas taxer davantage le travail. Il reste le capital.

Y. V. Le financement a déjà été beaucoup élargi puisqu'il ne repose plus qu'à 60 % sur les cotisations, contre 90 % auparavant. Et, même en relevant le taux de TVA à 25 %, cela ne financerait qu'un quart des dépenses maladie... Il n'y a pas de recette miracle.

LAURENT WAUQUIEZ. Nous ne sommes pas des idéologues de la TVA sociale, comme certains à l'UDF, et notre approche sera très pragmatique, tirant les leçons de l'expérience allemande.

On parle beaucoup de l'assurance-maladie, mais quid des retraites ?

PASCAL TERRASSE. Il faudra inévitablement, lors de la clause de revoyure de 2008, envisager des financements supplémentaires.

LAURENT WAUQUIEZ. Une CSG retraite ?

PASCAL TERRASSE. Non, Ségolène Royal l'a clairement écartée. Les pensions sont du salaire différé et doivent rester liées aux cotisations.

LAURENT WAUQUIEZ. Alors, où prenez-vous l'argent ? Nous, nous proposons du concret en annonçant la réforme des régimes spéciaux et en instaurant des franchises sur les soins.

C. L. En tant que professionnel de santé, j'entends bien vos engagements de ne plus dépenser à crédit, mais je ne vois pas se dessiner de solutions structurelles. On en reste à des slogans simplificateurs. Je reviens sur votre idée miracle : " Il faut faire plus de prévention. " J'approuve, mais il faut savoir que ça coûte cher à court terme, et qu'il n'est même pas toujours démontré, par exemple dans le cas du dépistage du cancer du sein, que la prévention accroisse l'espérance de vie.

D. B. Sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est essentiel. Le prochain président de la République devra mettre l'accent sur ce sujet, qui n'est jamais abordé.

LAURENT WAUQUIEZ. Nicolas Sarkozy propose de défiscaliser les investissements qui améliorent les conditions de travail. Dans ma région, Michelin, en investissant massivement, a réduit les accidents de près de 40 %.

La consultation des généralistes va augmenter de 1 euro au 1er juillet, pour passer, peut-être, à 23 euros en 2008. Est-ce la solution pour attirer des jeunes et éviter la création de déserts médicaux ?

C. L. Ce n'est pas suffisant, mais c'est une question de survie. Un tiers des postes en médecine générale ne sont pas pourvus chaque année. En Ardèche, mais aussi en banlieue lyonnaise, il va y avoir des pénuries dramatiques. Pour les spécialistes, qui sont à 28 euros, on ne fait pas tant de manières !

Y. V. Oui, mais avec le coût des 23 euros, l'assurance-maladie n'aura plus les moyens de développer les autres formes de rémunération qui sont indispensables pour mieux organiser les soins.

D. B. Et on nous reprochera, à la CNAM, de ne pas tenir l'objectif de dépenses...

PASCAL TERRASSE. Il n'y a jamais eu autant de médecins en France. Le problème, c'est leur répartition. Il faut changer les modes d'exercice. Nous proposons la création de 500 dispensaires, des structures polyvalentes avec des médecins, des infirmières, des kinésithérapeutes, etc., qui seront rattachés à des hôpitaux locaux. Il y a des réalisations qui marchent déjà en Ardèche, il faut les développer partout. La pratique médicale et la permanence des soins doivent se faire collectivement. Ainsi, le paiement à l'acte demeurera-t-il, mais avec aussi la possibilité de forfaits, de salariat, pour les professionnels qui le souhaitent. Il est urgent d'agir. Notre département a défiscalisé la taxe professionnelle dans les zones sans médecin et créé des bourses d'études de 10.000 euros pour ceux qui s'engagent à y exercer dix ans.

LAURENT WAUQUIEZ. Les dispensaires, ça fait franchement vieillot... Je préfère le terme " maisons de santé ". Nous en créons en Haute-Loire.

JEAN-LUC MONTAGNE. Dans les établissements que je gère, nous fonctionnons avec des médecins libéraux à qui nous fournissons les locaux et le matériel. Encore faut-il trouver des professionnels qui veuillent venir. Il serait bon que les internes puissent valider des stages dans les hôpitaux locaux. Nous avons aussi besoin d'investissements : un hôpital local ardéchois sur douze a bénéficié des crédits du plan Hôpital 2007 ! Dans mon hôpital, nous avons des chambres à quatre lits...

C. L. Les généralistes sont prêts à s'investir, mais, aujourd'hui, ils ne sont quasiment pas rémunérés quand ils viennent dans les hôpitaux locaux.

Faut-il mettre fin à la liberté d'installation des médecins ?

LAURENT WAUQUIEZ. A la différence de Ségolène Royal, nous sommes contre l'affectation géographique des nouveaux diplômés.

PASCAL TERRASSE. Ségolène Royal a évolué là-dessus.

LAURENT WAUQUIEZ. Tant mieux. Nous, nous estimons qu'il faut desserrer de manière urgente le numerus clausus. A Riotord, j'ai dû remuer ciel et terre pour faire venir un médecin roumain suite au décès du généraliste. Sinon, c'était aussi la fermeture de la pharmacie et tout un tissu social qui se déchirait. Ensuite, il faut encourager les étudiants à choisir la médecine générale, en ayant suffisamment de professeurs pour cette spécialité. Enfin, il faut encore améliorer la rémunération dans les zones où la pénurie guette.

C. L. Il faudrait surtout créer une direction de l'offre des soins de proximité. Toute notre organisation reste centrée sur l'hôpital. L'Etat n'arrive même pas à définir précisément les zones où on manque de médecins. Le dispositif du médecin traitant doit aussi être remis à plat. Avec le médecin référent, il y avait un vrai lien avec le patient et on faisait des économies considérables de prescriptions.

PASCAL TERRASSE. Nous reviendrons sur la loi Douste-Blazy car il faut en effet un parcours de soins renouvelé, plus simple, dans lequel le paiement à l'acte ne sera plus le mode de rémunération essentiel. Il faut notamment étendre le forfait annuel de 45 euros dont bénéficient actuellement les médecins traitants pour chaque patient suivi ayant une maladie grave.

LAURENT WAUQUIEZ. Vous revoyez la loi Fillon, vous revenez sur la réforme de l'assurance-maladie... Arrêtons de tout détricoter tout le temps ! On peut partager certaines choses : regardez ce qui a été fait à Saint-Agrève, à la limite de l'Ardèche et de la Haute-Loire. Nous avons sauvé l'hôpital, et sa maternité, en créant un vrai pôle d'excellence rurale, en partenariat avec le CHU de Saint-Etienne et les autres hôpitaux. Résultat : on a réussi à fixer les médecins généralistes dans cette région.

PASCAL TERRASSE. Nous sommes d'accord, mais quels moyens donnez-vous globalement aux hôpitaux ? Ségolène Royal est la seule à dire qu'il faudra remettre les budgets à niveau.

J.-L. M. Les hôpitaux locaux ont une autre difficulté : nous voyons de plus en plus arriver, en provenance de gros établissements, des personnes âgées dont l'état de santé n'est pas stabilisé. Et nous n'avons pas les moyens de les accueillir de manière satisfaisante.

Parlons justement des personnes âgées. Comment éviter que les résidents de maison de retraite aient à régler des montants plus élevés que leur pension ?

PASCAL TERRASSE. En doublant, à 10.000 par an, la création de places. Aujourd'hui, l'offre est trop faible par rapport à la demande. Il faut aussi revoir le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en garantissant qu'un département n'ait pas à sa charge plus de 50 % du coût. L'Ardèche assume 72 % des dépenses. L'Etat doit financer plus et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) assurer une meilleure péréquation. Plus de prérogatives et de moyens pour la CNSA, c'est ça, concrètement, la cinquième branche de la Sécurité sociale.

LAURENT WAUQUIEZ. Je suis content de voir que vous reprenez une idée lancée par l'UMP dès juin 2006. Je croyais que Ségolène Royal voulait supprimer la Journée de solidarité, qui finance la CNSA. Nous assumons clairement le fait qu'il faudra davantage de financements pour la dépendance, afin de passer de 0,8 % du PIB aujourd'hui à 1,5 % d'ici à vingt ans. Sur les tarifs, nous sommes confrontés à un dilemme. Quand on rénove un établissement ancien, comme à Montfaucon-en-Velay, les prix de journée s'envolent. Je pense qu'il faut arrêter la course actuelle aux normes techniques, qui mène parfois à des aberrations.

J.-L. M. Il ne suffit pas d'avoir des médecins et des infirmières. Sur le terrain, on manque surtout d'auxiliaires de vie qualifiés pour assister les personnes âgées à domicile comme en établissements.

C. L. Absolument. Je crois qu'à certains moments, il faut peut-être moins dépenser en soins et plus dans le social.

PASCAL TERRASSE. Mais ça, c'est à la charge des départements. Il leur faut donc plus de moyens. Pour la dépendance comme pour l'assurance-maladie, nous nous engageons à préserver un modèle de prise en charge socialisée des dépenses.
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