Mieux encadrer les pratiques médicales.
Si les actes d´interruption volontaire demeurent marginaux,
entre un quart et la moitié des décès sont liés à une décision médicale, selon une étude européenne. Les professionnels de santé sont de plus en plus souvent conduits à prendre des décisions médicales susceptibles d´abréger la vie de leurs patients. C´est l´une des conclusions – pudiques – de l´enquête Eureld (European End-of-Life Decisions) sur la fin de vie en Europe, menée en 2002 chez six de nos voisins, publiée récemment dans la revue Populations et Sociétés de l´Institut national d´études démographiques (Ined).
L´enquête révèle qu´un nombre non négligeable de décès (entre un quart et la moitié des 20 480 décès étudiés) sont liés à une décision médicale. Qu´il s´agisse de la mise en oeuvre de traitements contre la douleur (26 % des cas au Danemark) ou de l´interruption d´un traitement (20 % des décès au Pays- Bas, 28 % en Suisse).
Les décès après administration d´une substance létale sont en revanche moins fréquents, même s´ils existent dans tous les pays. D´après les déclarations des médecins, sans doute en deçà des pratiques réelles, ce type de décès Aide à la fin de vie Mieux encadrer les pratiques médicales Si les actes d´interruption volontaire demeurent marginaux, entre un quart et la moitié des décès sont liés à une décision médicale, selon une étude européenne. représente 0,1 % des interruptions de vie en Italie et au maximum 3,4 % au Pays-Bas.
« On se rend compte que les médecins prennent de plus en plus en charge la fin de vie de leurs patients, cherchant d´abord à soulager leur douleur physique et morale, commente Silvia Pontone, médecin anesthésiste et chercheur associé à l´Ined dans l´unité Mortalité, santé, épidémiologie. En revanche, les cas d´euthanasie restent très marginaux, même dans un pays comme la Hollande. Cela nous amène à penser qu´ils gèrent la fin de vie d´une autre manière, notamment par le recours aux antidouleurs. »
Au total, exception faite de l´Italie, l´enquête fait apparaître qu´un à deux tiers des décisions médicales sont prises avec l´intention explicite de mettre un terme aux souffrances du patient, même si celui-ci n´est pas toujours en état de formuler pareille demande. On apprend ainsi que de 6 % (aux Pays-Bas) à 49 % (en Belgique) des décès assistés par un médecin ne font pas l´objet d´une discussion avec le malade, car celuici n´est alors plus conscient. Les échanges avec la famille sont également loin d´être systématiques (20 % des cas en Suisse, au Danemark ou en Italie et 30 % en Suède). En revanche, de telles décisions sont fréquemment prises de manière collégiale (quatre cas sur cinq dans la plupart des pays sauf en Suisse, au Danemark et en Suède).
Cela fait dire aux auteurs du rapport que « la façon dont elles [ces décisions] sont prises et mises en oeuvre n´est pas toujours adéquate […]. Les pratiques peuvent donc sûrement être améliorées ». Il en va de même en France, où l´Ined souhaiterait pouvoir mener prochainement ce type d´étude.
« La loi Léonetti est entrée en application en février 2006 sans que l´on connaisse vraiment la réalité de ces pratiques, déplore Silvia Pontone. Il faut pouvoir les appréhender pour vérifier que de bonnes pratiques se développent partout. Une telle étude n´est possible qu´avec l´adhésion du corps médical. Si l´on y arrive, ce sera un signe de la maturité de la société française. »
ALEXANDRINE CIVARD-RACINAIS - PANORAMA DU MEDECIN du 05 mars 2007 -
Le Dr Tramois devant les Assises
Le 12 mars 2007 s´ouvrira devant la cour d´assises de Périgueux le procès de Laurence Tramois, médecin généraliste, et de Chantal Chanel, infirmière. La première est poursuivie pour avoir prescrit une injection de chlorure de potassium à une patiente de 64 ans en phase terminale d´un cancer du pancréas, la seconde pour avoir exécuté cette prescription. Le Syndicat de la médecine générale (SMG) compte en profiter pour demander une révision de la loi Léonetti. « Cette loi a laissé les gens au milieu du gué et ne résout pas tous les problèmes, estime Didier Ménard, président du SMG. Tout médecin a été confronté un jour ou l´autre à ce type de demande, il faut que l´on en débatte ! »
« Ce n´est pas un coup de gueule, c´est un vrai problème de société. Les décideurs ont fait la part belle aux soins palliatifs, mais de nombreux lits restent vides.
La réalité c´est que le médecin doit accompagner son patient jusqu´au bout et parfois l´aider à mourir dignement. Ceux qui le font, en conscience, se font insulter, agresser, menacer et sont passibles des assises », tempête Denis Labayle, médecin hospitalier. Ce dernier est à l´origine d´une pétition qui a déjà recueilli 2 200 signatures. Tous demandent « l´arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l´encontre des soignants mis en accusation, une révision de la loi dans les plus brefs délais, dépénalisant sous conditions les pratiques d´euthanasie en s´inspirant des réformes déjà réalisées en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas ».
EN SAVOIR PLUS
La pétition « Nous soignants, avons en conscience aidé médicalement des patients à mourir humainement » est en ligne depuis le 31 décembre 2006 sur le site du SMG :
http://www.smgpratiques. info
L´enquête Eureld a été menée en Belgique, au Danemark, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède et en Suisse.
Le suicide médicalement assisté est autorisé de manière implicite en Suisse, explicite aux Pays-Bas. La Belgique s´est dotée en 2002 d´une loi autorisant et encadrant la pratique de l´euthanasie.